Le Gouvernement a présenté lundi 28 septembre le texte du PLF 2021, dont l’examen à l’Assemblée nationale en séance publique débutera lundi 12 octobre prochain.

Outre le report de l’entrée en vigueur de la transposition de la directive sur le e-commerce et la création d’un régime de groupe de TVA à l’horizon du 1er janvier 2023, qui étaient attendus, une mesure de clarification du traitement TVA des offres composites est proposée.

Enfin, des mesures en matière de fiscalité indirecte douanière sont également prévues et sont synthétisées ci-après.

Report de la transposition de la directive sur le e-commerce (art. 10)

Afin de moderniser la règlementation applicable en matière de TVA sur le e-commerce, les directives européennes (UE) 2017/2455 et (UE) 2019/1995 ont été adoptées et transposées en droit interne par l’article 147 de la loi de finances pour 2020 avec une entrée en vigueur au 1er janvier 2021.

Toutefois, au regard de la situation exceptionnelle de crise sanitaire liée à la propagation du coronavirus Covid-19, le Conseil européen sur proposition de la Commission a décidé de reporter l’entrée en vigueur de ces nouvelles mesures au 1er juillet 2021

La mesure proposée tire donc les conséquences de cette décision en décalant également l’application des dispositions adoptées lors du vote de la loi de finances pour 2020 au 1er juillet 2021.

Ce délai supplémentaire doit être mis à profit par les acteurs du e- commerce afin de définir les nouveaux besoins pour paramétrer correctement les SI. En effet, de nombreux nouveaux critères doivent être appréhendés pour déterminer les modalités de taxation.

Laurent Chetcuti, associé, TVA, KPMG Avocats

Transposition du mécanisme du Groupe TVA (art. 45)

Le projet de loi de finances prévoit l’instauration du régime de groupe de TVA, grâce auquel les personnes indépendantes du point de vue juridique, mais étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation pourront être considérées comme un seul assujetti pour les besoins de cette taxe. Il consacre ainsi la transposition du régime prévu par l’article 11 de la Directive TVA, à l’instar de la plupart des autres Etats Membres de l’Union.

Le Groupe en sa qualité d’assujetti unique, représenté par un de ses membres, sera seul reconnu au regard de la TVA et sera tenu de déposer une déclaration unique agrégeant l’ensemble des opérations réalisées par les membres du Groupe avec les tiers, tant à la vente qu’à l’achat. Les transactions internes entre les membres du Groupe seront donc ignorées au regard de la TVA.

La constitution du Groupe sera facultative et résultera d’une option formulée par les entités pour une période initiale de 3 ans. Le périmètre du Groupe pourra néanmoins être déterminé avec une grande liberté car aucune entité n’est tenue d’y adhérer, même si elle est éligible.

En pratique, les Groupes pourront formuler l’option avant le 31 octobre 2022 pour une application effective au plus tôt le 1er Janvier 2023. A cette date, le régime des groupements exonérés (CGI, art. 261 B), cessera de s’appliquer au secteur financier.

Une analyse complète figure dans notre alerte spéciale du 7 octobre 2020.

En adoptant le régime du Groupe TVA, la France se dote d’un instrument moderne permettant d’allier neutralité et simplification au sein des groupes de sociétés. A l’horizon 2023, cette mesure permettra à l’ensemble des secteurs économiques de rationnaliser la gestion de leur TVA. S’agissant du secteur financier et assurantiel, l’introduction de ce mécanisme permettra d’offrir une solution de remplacement à l’exonération des groupements de personnes exonérées dont le principe avait été remis en cause par la CJUE.

Philippe Breton, associé, TVA, KPMG Avocats

Clarification du traitement des offres composites en TVA (art. 9)

L’article 9 du projet de loi de finances pour 2021 prévoit la codification des principes jurisprudentiels dégagés par la CJUE pour le traitement TVA des offres composites. Pour rappel, une offre composite, appelée aussi prestation complexe unique, est une opération regroupant :

 ▪ Des éléments relevant de catégories d’opération différentes (exemple : la pose de nouveaux pneumatiques sur un véhicule comprenant leur fourniture est une opération qui comprend à la fois une prestation de services et une livraison de biens) ;

 ▪ Ou des éléments relevant de taux différents (exemple : la commercialisation par un opérateur de télécommunication d’un forfait regroupant l’accès au réseau internet, soumis au taux normal de 20 %, et à des services de télévision, soumis au taux réduit de 10 %) ;

 ▪ Et/ou un mélange des éléments précédents.

La notion d’offre composite, largement définie par la jurisprudence de la CJUE, est essentielle pour appliquer le traitement TVA adéquat à une opération regroupant des éléments relevant de différents taux ou de règles de territorialité et/ou d’exigibilité différentes.

Une notion jurisprudentielle

La directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée pose le principe selon lequel chaque opération est appréciée de manière distincte et indépendante (art. 1er, 2, 2e al.)

Néanmoins, plusieurs prestations formellement distinctes, qui pourraient être fournies séparément et ainsi suivre chacune leur propre régime de taxation, doivent être considérées comme une opération unique lorsqu’elles ne sont pas indépendantes d’un point de vue économique.

Ainsi, la CJUE considère qu’il existe une prestation unique lorsque deux ou plusieurs éléments ou actes fournis par un assujetti à son client sont si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel (CJUE, arrêt du 10 novembre 2016, Baštová, C-432/15, point 70). 

Une offre composite, un taux

Les éléments qui composent une offre composite doivent tous recevoir le traitement TVA de l’élément qualifié de principal.

Les conséquences de ce projet d’article sont donc particulièrement sensibles en matière de taux de TVA puisqu’une offre composite ne doit relever que d’un seul taux de TVA qui dépend de l’élément principal. Si ce dernier relève d’un taux réduit, l’offre composite dans son ensemble doit être soumise à ce taux réduit.

Il convient néanmoins de noter que, si les taux constituent la partie visible de l’iceberg, le traitement d’une offre composite a des répercussions importantes en matière de territorialité, de taxation ou d’exonération, ou même d’exigibilité de la TVA. 

La fin des règles de ventilation

Si l’on peut saluer la démarche consistant à assurer une meilleure sécurité juridique pour les redevables en codifiant les principes relatifs aux offres composites, il convient également de relever que ce projet d’article sonne le glas de la pratique largement admise par l‘administration fiscale, consistant à ventiler le prix de vente d’une offre composite en fonction soit de la valeur, soit du coût de revient, des différents éléments qui la composent. Cela pose d’ailleurs clairement la question de la valeur des rescrits obtenus par le passé.

Les risques de comportements visant à optimiser la base taxable soumise à un taux réduit sont avancés comme justification de la mesure dans l’exposé des motifs, alors même qu’il s’agit en réalité d’une mise en conformité au droit européen. Cependant, l’application des nouvelles règles, suivant la qualification donnée à l’élément principal, pourrait jouer en faveur des redevables dans le cas où l’élément qualifié de principal relèverait d’un taux réduit, ou en sa défaveur dans le cas contraire.

S’il est difficile à ce stade de mesurer toutes les conséquences de cette petite révolution, il est urgent de procéder à l’analyse de toutes les offres composites des assujettis, notamment au regard des contrôles en cours ou à venir, car toutes les offres avec des règles de TVA ventilées ne seront demain plus valables, si le projet est adopté. 

Ainsi, les règles de taux, territorialité, taxation, exonération ou exigibilité de telles offres devront être modifiées en urgence dès le 1er janvier 2021, sauf à encourir le risque de l’application erronée d’un régime de TVA.

En codifiant les principes dégagés par la CJUE et en mettant fin aux pratiques de ventilation de base taxable en TVA, le législateur ouvre la boite de Pandore. S’il est difficile de mesurer les effets d’une telle réforme, les acteurs concernés doivent évaluer leur risque d’exposition ainsi que leurs opportunités pour application au 1er janvier 2021.

Philippe Breton, Laurent Chetcuti, Arnaud Moraine,
avocats associés - TVA, KPMG Avocats

Autres mesures TVA

Mise en conformité avec le droit européen du régime des gains de course hippique (art. 11)

Quelles mesures en matière douanière et de fiscalité énergétique et environnementale ?

Pour la première fois, le PLF est accompagné d’un « budget vert » : tous les crédits budgétaires et dépenses fiscales font l’objet d’une cotation indiquant leur impact environnemental.

Cette initiative vise à convertir le budget étatique un levier d’amélioration de l’efficacité environnementale des dépenses publiques.

Pour 2021, sur un total de 574,2 milliards de dépenses budgétaires et fiscales, prés de 52,8 milliards ont un impact sur l’environnement :

▪ les dépenses dites « vertes » atteignent 38,1 milliards d’euros,
▪ les dépenses dites « mixtes » (i.e. favorables sur un ou plusieurs axes environnementaux et défavorables sur d’autres), représentent 4,7 milliards d’euros,
▪ et celles ayant un impact défavorable à l’environnement 10 milliards d’euros.

Dans ce cadre, la fiscalité à caractère environnemental représente un outil stratégique pour répondre aux ambitions de la transition énergétique (fixées, en dernier, par la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), toutes
deux adoptées en avril 2020).

Mais ce PLF 2021 donne-t-il les réponses adéquates en matière de fiscalité énergétique et environnementale ?

   

Le projet est loin d’apporter les modifications attendues. Il est donc fort probable que le texte actuel évolue par le jeu des amendements, dont certains sont déjà dans les tiroirs du Gouvernement.

Stéphane Chasseloup, associé, Douanes, accises et
Commerce international, KPMG Avocats

Incitations fiscales à l'utilisation d'énergies renouvelables dans les transports (article 15)

Le projet de loi contient des incitations fiscales à l'utilisation d'énergies renouvelables dans le secteur des transports. Ainsi, l’objectif fixé par le droit européen est le 14 % de transports verts d’ici 2030.

Le Gouvernement veut notamment renforcer le dispositif de la taxe incitative à l’incorporation des biocarburants (TIRIB) en prévoyant à compter du 1er janvier 2022:

▪ une augmentation des taux cibles de cette taxe (+0,1% pour les gazoles et +0,6% pour les essences). Pour rappel, le taux de la TIRIB est diminué à proportion de la part d’énergie renouvelable contenue dans les carburants mis à la consommation par le redevable;

▪ l’extension du champ d’application de la TIRIB aux carburéacteurs qui formeront une troisième filière. Cette initiative semble en ligne avec la volonté, explicitée au niveau européen dans le cadre des travaux relatifs à la refonte de la Directive 2003/96 sur la taxation des produits énergétiques, de réformer la taxation dans le secteur de l’aviation, considéré comme l’un des plus polluants.

Par ailleurs, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) prend également une dimension environnementale dans la mesure où le tarif réduit dont bénéficie l’E10 qui représente un soutien direct à l’énergie fossile va être supprimé. A cette fin, les tarifs des essences traditionnelles (supercarburants sans plomb E5, E10) seront progressivement alignés, sur les deux prochaines années (2021 et 2022).

Enfin, des mesures complémentaires sont proposées :

▪ à partir 1er janvier 2022, un avantage fiscal pour l’électricité d’origine renouvelable fournie par les bornes de recharge ouvertes au public ;

▪ à partir du 1er janvier 2023, un avantage fiscal pour l’hydrogène d’origine renouvelable utilisé pour les besoins du raffinage en France.

Le secteur des transports n’est pas le seul concerné par la transition énergétique. Dans le prolongement des derniers PLF, et à l’aune de la refonte de la Directive 2003/96, la suppression des taux réduits de TIC octroyés à certains usages / secteurs (entreprises énergo-intensives?) pourrait être débattue.

Ruth Guerra, associée, Douanes, accises et
Commerce international, KPMG Avocats

Incitations fiscales à l'utilisation d'énergies renouvelables dans les transports (article 15)

Parmi les taxes à faible rendement dont la suppression est proposée figure la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur les huiles et préparations lubrifiantes (4 du I de l’article 266 sexies du Code des douanes). Cette suppression serait applicables aux opérations dont le fait générateur est intervenu à compter du 1er janvier 2020.

Parmi les dépenses fiscales dont la suppression est proposée figure l’exonération de taxe intérieure de consommation pour les huiles végétales pures utilisées comme carburant agricole ou pour l'avitaillement des navires de pêche professionnelle (dernier alinéa du 2 de l’article 265 ter du Code des douanes).

Simplification du régime de taxation de l’électricité (article 13)

L’objectif de cette mesure est de regrouper la gestion des différentes taxes dues au titre de la consommation finale d’électricité (aujourd’hui partagée entre l’Administration des douanes et des droits indirects et les services locaux) dans un guichet unique à la DGFiP.

A l’unification du recouvrement s’ajoute l’harmonisation des tarifs d’accise sur l’électricité au niveau national, qui selon le Gouvernement permettra de rationaliser la taxation de l’électricité. La réforme est prévue en trois étapes :

▪ au 1er janvier 2021 : alignement des dispositifs juridiques, notamment des tarifs, de la taxe intérieure (TICFE) et des taxes communales (TCCFE) et départementales (TDCFE) ; 

▪ au 1er janvier 2022 : transfert de la gestion de la TICFE et des TDCFE à la DGFiP et deuxième alignement pour les TCCFE ;

▪ au 1er janvier 2023 : transfert de la gestion des TCCFE à la DGFiP.

Autres mesures

Harmonisation des mesures de recouvrement (art. 19)

Cet article poursuit l’harmonisation, initiée par la loi de finances rectificative pour 2017, des procédures de recouvrement forcé mises en œuvre par la Direction générale des finances publiques (DGFiP) et de la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI).

L’objectif sous-jacent est la création d’un outil informatique unique de recouvrement optimisé des créances du secteur public (ROCSP).

En particulier, les trois dispositions suivantes concernent le Code des douanes :

▪ l’unification des règles d'imputation d'un paiement partiel sur une créance publique unique (nouvel article 321 bis du Code des douanes) ;

▪ l’extension de la mise en demeure de payer à toutes les créances publiques (nouvel article 345 ter du Code des douanes) ;

▪ la simplification des délais de prescription de l'action en recouvrement forcé (modification de l’article 355 du Code des douanes). Prescription de l’action de recouvrement à quatre ans à compter du jour de la mise en recouvrement conformément au nouvel article L. 274 du livre des procédures fiscales.

La centralisation et l’harmonisation du recouvrement par la DGFIP des créances fiscalo-douanières est bien avancé, mais les modalités de contrôle restent floues alors que le transfert de certaines taxes de la DGDDI à la DGFIP est imminent.

Stéphane Chasseloup et Ruth Guerra, associés, Douanes,
accises et Commerce international, KPMG Avocats

AUTEURS

Philippe Breton
Partner, Avocat

Ruth Guerra
Partner, Avocate

Laurent Chetcuti
Partner, Avocat

Arnaud Moraine
Partner, Avocat

Stéphane Chasseloup
Partner, Avocat